Optimiser la Récupération avec Eric Deguil

- Catégories : canoë kayak rivière

eric deguil lors de la green race aux états-unis

Il y a toujours quelqu’un pour repousser les limites existantes dans tous les domaines, vous savez ce fameux pote qui vous raconte dans la cour de récréation ou lors de la pause café :

- T’as vu ce gars qui a dévalé un volcan en kayak ?!

- Hein ? Raconte pas n’importe quoi !

Pourtant c’est vrai, un jour quelqu’un a ridé les flancs d’un volcan en activité au Cap-Vert. Ce même gars a gagné 4 coupes du monde en Kayak Extrême, ainsi que la célèbre et terrifiante Green Race aux USA.

Semblant vivre au-dessus des lois de la nature, notre champion de kayak et sportif de l’extrême Eric Deguil a les mêmes fragilités que tout un chacun ; quand il pagaye trop longtemps, il a des ampoules, et quand il réceptionne à plat une chute de 25m il se casse le dos [Tomato Falls, Mexique, 2010] !

Non en vérité il n’a rien d’inhumain. Mais c’est quelqu’un qui a une soif de challenge infinie, un fort désir de sensation, d’adrénaline, et c’est un bosseur surtout. En effet, s’il réussit tous ces exploits c’est qu’il s'entraîne tous les jours depuis son enfance afin de conditionner son corps et son mental aux conditions les plus extrêmes.

A bientôt 40 ans, le Mike Horn du kayak tourne son regard vers un nouveau record du monde : descendre les 460 km du Grand Canyon en moins de 32 heures. “Un pari fou” - selon France 3 Aquitaine.

Comment un homme de son âge peut-il garder la forme physique d’un athlète de haut niveau d’une vingtaine d'années à peine et viser un défi aussi relevé ? Il vous répondra qu’il faut beaucoup de préparation, mais également une excellente gestion de la récupération. Une dimension qui semble manquer surtout aux jeunes pagayeurs et sportifs qui privilégient bien souvent la quantité à la qualité, finissant malheureusement leurs carrières blessés et éreintés.

Sur ce dernier point, nous avons interrogé Eric Deguil afin de comprendre comment il tient cette forme physique surhumaine et comment il gère son repos pré et post-effort au quotidien.

C’est quoi pour toi une journée de repos idéale ?

C’est une journée où je n’ai pas à travailler dans les arbres ou retaper ma maison. Pour moi c’est une journée qui commence la veille avec une heure de coucher entre 21h et 22h. Du coup, c’est pas souvent… du moins pas très bien fait.

Combien de jours de repos par semaine en moyenne ?

Un jour ou deux demi-journées par semaine me semble un minimum. La récupération compte autant que les autres séances.

Comment gères-tu la récupération sur tes blocs de volume l’hiver ?

Les blocs d’hiver sont personnellement mes favoris car j’aime claquer des kilomètres et soulever lourd en muscu ! Hahaha.

Mais c’est parfois aussi la période la plus dure moralement, surtout en décembre et janvier avec des jours courts et l'entraînement de nuit quand ça caille. Je sais que ces blocs sont névralgiques pour être bien aux beaux jours. Comme beaucoup je fonctionne par blocs de 3 semaines suivis de plusieurs jours enchaînés de repos.

Avec la vieillesse qui me guette, je récupère de moins en moins bien justement. Je m’écoute plus qu’avant. Et tente de dormir un maximum !

Cela semble simple mais quand tu bosses 40 heures semaine, t'entraînes 2 fois par jour, que tu finis ta maison et que tu dois t’habiller en princesse avec ta fille de 3 ans. C’est pas simple…

eric deguil dévale le volcan gojo en kayak

Quels sont les points clés à prioriser selon toi ?

Tout d’abord il faut bien respecter les intensités dans les séances. Bien boire en journée et craquer un petit déjeuner convenable. Pour moi c’est 3 œufs au curry ou curcuma, deux fruits, des noisettes et un thé. J’évite les sucres (gâteaux ou produits transformés) car ça me ballonne et donne faim trop vite. Rien de pire qu’un ventre qui gargouille.

Quelle est ta plus grosse erreur de gestion de la fatigue (musculaire, intellectuelle…) ?

A un moment, pour chercher les sponsors et les médias j’ai passé beaucoup de temps devant l’ordinateur jusqu’à très tard, ne dormant que 6 heures par nuit voir moins. Ben, je t’annonce que ça ne marche pas longtemps. J’ai fini par m’endormir au volant…

A l’approche des compétitions, comment gères-tu ta récup?

C’est le plus dur pour moi. J’ai tendance à vite gamberger. J’en profite pour cuisiner mieux. Et me focalise sur le sommeil. Je cultive le sommeil ! Après, un peu d’étirements, je crois que c’est la clé du succès.

Blessure, maladie, épuisement… comment est-ce que tu t’adaptes ?

Bien sûr, il faut s’adapter. Une maladie ne t’empêche pas de faire du stretching, de bosser sur de la vidéo, voir réparer ton matos. C’est un bon moment pour reculer et mieux sauter.

La blessure c’est peut-être plus frustrant. Entre staphylocoque doré et les fractures, les blessures ont toujours été pour moi un calvaire. Mais aussi justement de bons moments pour récupérer et revenir plus fort. Quand cela arrive c’est que justement les bases de l'entraînement n’ont pas été respectées.

As-tu des méthodes secrètes en tant que pagayeur extrême?

Je ne crois pas. Mais des nouvelles méthodes existent et marquent une véritable évolution pour tenir dans le temps. Je pense à la cryothérapie par exemple qui fait vraiment une grosse différence.

Comme dans l’effort, la nutrition a son rôle dans la récupération. J’ai testé le sans gluten, cétogène, et j’ai appris pas mal de choses car il n’y a pas photo, tu es ce que tu manges !

Ensuite ne pas négliger la partie mentale. La fatigue mentale est la chose la plus difficile à gérer. Avoir des objectifs à court et long termes tout au long de sa carrière est primordial. La vraie vie à côté du canoë-kayak l’est encore plus.

Question bonus : Considères-tu le rapport sexuel comme une méthode de récupération ? Si oui, est-ce que tu le recommandes ? A quelle fréquence ? Justement !

Rien ne vaut une bonne galipette. Si tout le monde s’y fait du bien, c’est aussi bon pour le corps que le mental. Pour la fréquence, faut voir ça avec madame, t’es pas tout seul à choisir coquin. Hahaha. Je ne sais pas si le rapport sexuel est une méthode de récupération mais ça contribue au bien-être. Alors pourquoi s’en priver ?

eric deguil chute 10m en kayak extreme

En conclusion, vous voyez que ce grand passionné au casque rose qu’est Eric Deguil demeure un humain sans super-pouvoirs qui, lui aussi, commet des petites erreurs de sportif basiques telles que le surentraînement, le manque de sommeil etc. Mais c’est un athlète intelligent qui sait tirer les leçons de ses expériences en respectant la part de travail et le bon rétablissement de son corps et son mental : 

  • Il est à l’écoute de ce qu’il se passe à l’intérieur de lui pour savoir dire stop avant qu’il ne soit trop tard et que la fatigue ou la blessure le gagne ;

  • Il n’oublie évidemment pas les bases, “tu es ce que tu manges” rappelle-t-il, ainsi que l’importance de l'hydratation ;

  • “Le tigre aussi a besoin de sommeil.” Si vous n’y faites pas attention, c’est le risque d’une sortie de route, au sens propre comme au sens figuré. Le sommeil est essentiel pour l’athlète, organisez correctement votre temps de travail/études afin de lui laisser sa place. Et pour ceux qui le peuvent, une sieste en journée peut faire des miracles ;

  • Il semble à l'affût des méthodes innovantes telles que la cryothérapie et n’hésite pas à tester de nouveaux régimes alimentaires quitte à les écarter ;

  • Il veille aussi à sa santé mentale avec la plus grande attention car comme le corps elle a besoin d’être ménagée et de souffler de temps en temps. Un bon équilibre entre la vie pro (ou les études), la vie sportive et la vie perso semble être déjà un point essentiel pour avoir une bonne santé générale, se régénérer, et progresser sur le long terme ;

  • Enfin il n’oublie pas de profiter des plaisirs de la vie car il ne faut se priver de rien qui ne fasse du bien.

  • eric deguil à l'outdoor mix festival avec son kayak en fibre

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